L’Etrange Festival
Jours 4 à 8

Le karaté comme antidépresseur, l’Angleterre sous le régime nazi, des cadavres Kinder surprise, un château du 13ème siècle, deux fous d’amour en liberté. Résumé de 5 jours à l’Etrange Festival, avec 5 films classés du pire au meilleur.

Par Michael Patin

Temps de lecture 4 min.

The Art Of Self Defense paye le prix pour avoir mis fin à trois jours consécutifs au paradis de l’Etrangitude. Cette comédie dépressive sur un comptable mal dans sa peau, qui décide de prendre des cours de karaté après s’être fait agressé dans la rue, a tous les tics du film Sundance : humour à froid, photo grisâtre, mise en scène indolente, clins d’oeil incessants au spectateur… Jesse Eisenberg fait du Jesse Eisenberg (il le fait bien), Imogen Poots fait la gueule (elle aussi), et Riley Stearns se débat avec un scénario idiot (le karaté comme métaphore de la culture viriliste, vraiment ?) qui tourne autour du malaise sans jamais s’y résoudre. 

On pariait gros sur En Angleterre Occupée, vraie rareté tournée dans des conditions rocambolesques et enterrée à sa sortie en 1966. L’audace du pitch – on est dans une réalité parallèle dans laquelle l’Angleterre est occupée par les nazis – ne suffit pas à faire oublier le découpage illisible et les enjeux dramatiques laissés à l’état d’esquisses. Reste le magnétisme de l’actrice principale, Pauline Murray, en infirmière ballottée entre collaboration et résistance. Chris Marker disait à propos de En Angleterre Occupée  : “le seul film réaliste sur 39-45 est imaginaire”. Dommage que ce soit aussi l’un des plus ennuyeux.

Cut Off marque le retour au bercail de Christian Alvart, qui s’était égaré à Hollywood après le prometteur Antibodies. Dans ce thriller horrifique, un médecin légiste (Moritz Bleibtreu, toujours au top) découvre le numéro de sa fille dans un cadavre et s’engage dans un jeu de piste morbide avec le kidnappeur… L’Allemand a visiblement les crocs et déploie une énergie réjouissante dans la première demie-heure, puis se prend les pieds dans les poncifs du genre : jump scares, flash backs explicatifs, rebondissements sans queue ni tête… A trop hésiter entre sérieux et dérision, Cut Off reste à l’état de curiosité hybride, amusante et inoffensive.

On pose Ni Dieux Ni Maîtres ici, parce qu’on ne sait pas trop quoi faire du deuxième long-métrage d’Éric Cherrière… On admire l’ambition de ce conte médiéval légèrement fantastique, tourné en décors naturels avec un joli casting d’acteurs à gueules – Pascal Greggory, Jérôme Le Banner, Edith Scob dans un de ses derniers rôles, la belle et rousse Jenna Thiam – et émaillée de combats chorégraphiés, quelque part entre Versus et le jeu de rôle grandeur nature. Même les défauts attendus – mots d’auteur chuchotés, langueurs vaporeuses – participent à son charme singulier, à la fois cheap et classe, sans équivalent dans la production hexagonale. 

En haut, très haut, il y a Adoration. On se sent chanceux d’assister au moment où Fabrice Du Welz, (dont vous retrouverez bientôt son itw sur notre site) de retour dans ses chères Ardennes (Calvaire, Alléluia), devient le cinéaste qu’il a toujours souhaité être. Le moment où il se libère de ses réflexes pour graver sur pellicule une vision nouvelle, frustre et moderne, du réalisme magique cher à Delvaux et Duvivier. Une histoire d’amour fou entre deux adolescents, un river movie élégiaque où le bien et le mal, la vie et la mort, s’épousent dans une nature étrangère au jugement. Adoration est le mot.

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